Le Transhumanisme est un mouvement qui vise à améliorer les conditions de vie et le bien-être humain grâce au développement de solutions technologiques (automatisation, robotique, intelligence artificielle…).
En réponse aux hommes et femmes célibataires qui désirent toujours plus d’indépendance, de bien-être et de plaisir sans contrainte, il propose toute une série de « solutions » technologiques.
Quels sont les grands désirs du célibataire moderne que le Transhumanisme est en train de transformer en solutions technologiques ?
Le célibataire moderne ne veut pas faire la cuisine ni le ménage. Ce sont d’ailleurs les tâches qui génèrent beaucoup de conflits aujourd’hui. L’industrie agro-alimentaire renouvelée par le Transhumanisme propose des solutions pour résoudre les conflits de couples autour de ces tâches : par l’alimentation surgelée, en conserve, fast-food ou encore OGM ; par les robots de ménage ; par des robots humanoïdes ressemblant à des humains, capables de cuisiner à la place de l’homme…
Le célibataire moderne veut prendre du plaisir sans engagement, sans contrainte. Il veut vivre célibataire mais pas seul, pas sans plaisir. Le Transhumanisme vient compléter l’industrie de la pornographie par l’industrie des sex dolls ou des robots de compagnie.
Le célibataire moderne a peur de s’ennuyer. Déjà, les smartphones et les tablettes occupent son temps quotidien, même dans sa chambre, même au point que la vie de couple se vide et est en permanence menacée par le réseau des autres opportunités d’épanouissement personnel. Le Transhumanisme vient renforcer le virtuel par la réalité augmentée, par l’hologramme de compagnie, etc.
Le célibataire moderne veut avoir des enfants sans subir la contrainte de vivre en couple. Il veut vivre en couple par intermittence, en choisissant ses « partenaires », en se séparant à chaque fois qu’il trouve mieux. La femme moderne veut avoir des enfants quand elle veut, sans subir l’horloge biologique, sans même devoir vivre avec un homme. Le « désir d’enfant » est aujourd’hui le principal argument de vente du Transhumanisme : comment peut-on frustrer une femme ou un homme, hétérosexuel ou homosexuel, en l’empêchant d’avoir l’enfant qu’il désire ?
C’est au nom de cet argument qu’on justifie de réduire les femmes du Sud en esclavage pendant neuf mois, pour l’épanouissement des femmes et des hommes libres du Nord[1]. On veut élargir aux homosexuels – par souci d’égalité –, des solutions qui ne sont déjà pas justes pour les hétérosexuels, dans la mesure où elles reposent sur l’exploitation des femmes et des ressources du Sud.
Le célibataire moderne désire déconnecter plaisir, sexe, amour et reproduction. Le Transhumanisme lui propose des modules choisis et industrialisés. Sélection et modifications génétiques des embryons, sexe virtuel et robot-sexe, utérus artificiel, enfants achetés par des couples de même sexe, bébés avec trois parents puis sans parents vont industrialiser amour, sexe et procréation. Le Transhumanisme convaincra l’opinion publique que le bébé à la carte est plus sain et plus sûr (pour la santé, la réussite scolaire…) que la naissance naturelle.
Le Transhumanisme propose des solutions toujours plus individualistes[2], à la carte, sans engagement, pour répondre aux nouveaux « besoins » intimes liés à la généralisation du célibat et du couple à la semaine…
Tout se passe comme si le puissant courant de la tradition moderne – avec sa culture individualiste, l’industrie du divertissement, du cinéma, de la publicité, du développement personnel, du coaching et de la psychothérapie et le discours féministe dominant –, est en train de nous conduire massivement vers le Transhumanisme, vers des solutions techniques et marchandes pour répondre aux besoins élémentaires d’un homme et d’une femme : s’aimer, prendre du plaisir, se tenir compagnie, s’offrir de la tendresse, se soutenir, enfanter…
Tout se passe comme si cette industrie et ce discours sont en train de pousser les hommes et les femmes à « s’aimer soi-même », à « prendre soin de soi », à « penser à soi », à « ne dépendre de personne »… Ce faisant, paradoxalement, ils nous rendent hyper-dépendants aux marchands et aux industries du bonheur.
Par exemple, il suffit de voir la campagne publicitaire de Tinder[3], avec son hashtag #SingleNotSorry et ses slogans tels que : « Je ne cherche pas de moitié, je suis plus qu’une moitié », « Pas besoin d’un conte de fées, j’écris ma propre histoire », « Devenir son propre héros », « Libre d’explorer »… Elle diffuse l’idée que chercher à vivre en couple est un signe de faiblesse, d’insuffisance, de manque d’autonomie. Elle fait l’éloge du célibat comme art de vivre, de l’individu comme étant auto-suffisant, heureux en solo, ce qui peut paraître paradoxal pour une application de rencontres. Mais l’application est là pour lui fournir des aventures ponctuelles « fun » et des « histoires d’amour » où il devient le « héros », malgré toutes les blessures qu’il peut causer aux autres ou à lui-même.
Si les premières générations de solutions modernes (contraception, préservatifs…) étaient la réponse technique au désir de faire l’amour sans se marier et sans enfanter, les solutions transhumanistes sont la réponse technique au désir d’être heureux, de prendre du plaisir et d’avoir un enfant sans dépendre d’un homme ni d’une femme.
On croit souvent que le progrès technique est naturellement un progrès social et humain, qu’il contribue naturellement à développer le bien-être des hommes et des femmes. Or, cette croyance n’est qu’une forme de conformisme à l’idéologie du Progrès qui masque toujours ses impacts. Et c’est aussi souvent une croyance réactionnaire, contre la réaction des conservateurs qui refusent tout changement, car tout changement serait mauvais par nature.
Il est temps de porter un regard critique et juste sur le progrès technologique dont le Transhumanisme se veut porteur : inspiré par l’individualisme moderne obsédé par toujours plus d’indépendance et d’épanouissement, il produit des solutions qui produisent elles-mêmes des problèmes à grande échelle : domination des femmes et des hommes modestes des pays du Sud pour le confort des femmes et des hommes du Nord ; multiplication des guerres pour exploiter les ressources naturelles du Sud au profit du Nord ; destruction des liens de solidarité et de la convivialité ; sans parler de la manipulation des libertés individuelles, de la pensée, jusqu’à la vie intime…
Le Transhumanisme – et plus radicalement, la modernité individualiste –, parle le langage du « Destin » : « C’est comme ça ! », « C’est l’époque qui veut ça », comme si « l’époque » était un dieu qui décidait de tout, auquel on devrait obéir aveuglément. Comme si l’époque n’était pas une construction sociale, politique, économique, culturelle et morale que nous avons toujours la responsabilité de réformer et de rendre meilleure.
*Cet article est un extrait du livre Etude sur le célibat musulman, de Mohamed Oudihat.
[1] Pour aller plus loin dans l’analyse du Transhumanisme et de ses impacts humains et politiques, Cf. Testart, Jaques (2018), Au péril de l’humain, les promesses suicidaires des transhumanistes. Editions du Seuil.
[2] Pour aller plus loin dans l’analyse du lien entre individualisme et Transhumanisme, Cf. Hortus, Christian (2019), La Grande mutation de l’homme : Individualisme, transhumanisme. Editions Librinova.
[3] Lancée en janvier 2019.
Certe Il peut être bénéfique sur certains aspects en médecine mais Le transhumanisme peut détruire une société car il transforme l’être humain en une choses qui n’a aucune valeurs humaine et sociale.
Bonjour. Je ne suis pas sûre de comprendre certaines critiques que vous reproduisez ici. Les premiers préservatifs ont existé chez les Egyptiens dès l’Antiquité. Le coït interrompu a fait le sujet de divergences chez les écoles de jurisprudence musulmane. La contraception a donc existé avant la modernité et au delà de l’Europe, donc au delà du mouvement transhumaniste. Vous positionnez-vous contre la contraception de façon catégorique ? Ou critiquez-vous seulement ce que la conception représente dans le contexte du transhumanisme ?
Bonjour !
En effet, le fait de trouver un moyen d’interrompre le coït n’est pas moderne, et c’était même pratiqué par les musulmans, sans que cela ne pose aucun problème.
Le sujet ici n’est pas la contraception, son histoire ni la position de l’islam là-dessus. C’est bien le transhumanisme qui est critiqué et dans ce contexte, la contraception a été évoquée.