Je veux divorcer

Se marier, c’est goûter à une part du Paradis dans cette vie. C’est aussi, à certains moments, goûter à une part de l’Enfer. L’Enfer, c’est parfois perdre soudainement le sentiment d’aimer l’autre. C’est croire qu’un autre Paradis est possible, avec un autre. « Je veux divorcer » : aujourd’hui, toutes les belles histoires se terminent comme ça. Mais pourquoi ? Je vais vous raconter une discussion très perso avec ma copine Myriam.

Myriam – Je me suis mariée il y a 15 ans. Aujourd’hui, j’ai 40 ans. Je n’aime plus mon mari. Je n’aime plus ma vie de famille, la routine, m’occuper du ménage et des enfants… C’est tellement loin de la vie dont je rêvais. J’ai envie de réaliser mon rêve.

Moi – Mais dis-moi… Ton mariage, c’était un mariage forcé ?

Myriam – Non, j’ai choisi de me marier parce que je l’aimais.

Moi – Donc lorsque tu t’es mariée, tu as réalisé ton rêve ?

Myriam – Ouiii mais non. J’ai renoncé à mes autres rêves. J’avais de l’ambition, je voulais être directrice d’un service. Je voulais voyager. Et la vie d’épouse et de maman m’a plaquée au sol alors que je voulais m’envoler. Ça m’a freinée dans mes rêves. Alors comme je l’aimais, j’ai accepté de faire tous ces sacrifices. Mais maintenant que je ne ressens plus rien, j’ai l’impression d’avoir raté ma vie.

Moi – Comment ça a commencé ce sentiment de ne plus aimer ton mari et d’avoir raté ta vie ?

Myriam – Je sais pas. Tu vois, mon mari ne me traite plus comme à nos débuts. Il est adorable. Il est serviable. Il est responsable. C’est quelqu’un de bien mais… J’ai craqué, j’ai plus envie de faire quoi que ce soit à la maison. J’ai tout lâché. C’est lui qui s’occupe des enfants. Et il me sert même le ptit déj au lit… Mais je sais pas…

Moi – Je ne comprends pas. Qu’est-ce que tu lui reproches à ton mari ?

Myriam – Le pire, c’est que je ne lui reproche rien. C’est un mari exemplaire. Le problème, c’est moi…

Moi – Qu’est-ce que tu aimerais vivre dans l’idéal ? 

Myriam – Eh bien tu vois… J’ai un nouveau collègue au travail mais on s’entend comme des potes. Il est super élégant, super galant… Il me fait plein de compliments. De temps en temps, il m’apporte des chocolats que j’adore. Je me sens importante et belle dans ses yeux. C’est magique entre nous. Ça me change du rôle de maman, de femme de ménage et d’épouse que je joue à la maison. J’ai l’impression de mentir dans ma vie de famille. J’ai l’impression d’être moi-même avec lui… Et pourtant, il ne s’est rien passé entre nous. Je ne me vois pas trahir mon mari…

Moi – Oui, d’accord ! Que tu sois tout à coup séduite par un autre homme que ton mari, ça peut arriver à n’importe qui. Mais de là à briser ton couple et ta famille… : est-ce que ça en vaut la peine ?

Myriam – En fait, tout s’est passé très vite une fois mariée. On a emménagé ensemble. On a eu un premier enfant. On a déménagé deux fois pour avoir plus de places pour nos enfants. C’était toujours la course. Les choses s’enchaînaient. Je n’avais pas de temps pour moi. Maintenant qu’on a emménagé dans notre nouvelle maison qu’on a achetée, que les enfants sont à l’école, et que j’ai repris mon travail, je me rends compte de tout ce que j’ai sacrifié.

Moi – Tu parles de « sacrifices » : mais c’est normal ce que tu as vécu. Un homme et une femme qui s’aiment et qui se marient finissent par avoir des enfants dont ils doivent s’occuper. Ou alors il faudrait rester célibataire !

Myriam – Mais justement, je n’en peux plus de toutes ces normes ! Pourquoi faut-il vivre comme ça ? Pourquoi ne peut-on pas suivre son cœur ? Je trouve ça tellement beau l’amour. Pourquoi est-ce que je dois sacrifier mon rêve d’amour pour respecter la norme de la femme mariée qui ne divorce pas simplement à cause du regard des gens ? En plus qui me dit, si mon mari tombait amoureux d’une jolie femme plus jeune et tout, qui me dit qu’il ne m’abandonnerait pas pour elle ?

Tu vois, Sabrina (une amie commune) était dans la même situation que moi. Mariée depuis des années, elle n’avait plus aucun sentiment pour son mari. Elle était torturée : « Je le quitte. Je le quitte pas… » : ça tournait en boucle dans sa tête pendant un an. Elle a osé divorcer et elle m’a dit récemment : « Maintenant je me sens heureuse. Je me sens moi-même. Je me sens indépendante. Je m’aime et je fais enfin ce que j’aime ». Donc divorcer, ce n’est pas forcément quelque chose de mal. Mieux vaut être heureuse seule que deux malheureux !

Moi – Ecoute. Tout ce que tu me dis, c’est humain. On n’est pas toujours responsable des idées qui nous passent par la tête ni des sentiments qui envahissent le cœur. Mais on reste toujours responsable de ce qu’on fait de ses pensées et de ses sentiments. On reste responsable des impacts de ses choix. Ton mari, tu l’as choisi ! Personne ne t’a forcée. Tu l’aimais. Qui te dit, si tu choisis ce collègue qui te rend belle par son regard, qu’au bout de quelque temps, la magie ne disparaîtra pas ? Qui te dit qu’il ne rencontrera pas lui aussi, une autre femme plus jolie et plus sympa que toi, et qu’il te quittera pour « réaliser son rêve » ?

« Je veux réaliser mon rêve » : il y a quelque chose de beau et de fort dans cette formule. Et il y a aussi quelque chose de destructeur et d’injuste qui se cache derrière. Réaliser mon rêve, ce peut être aussi provoquer le cauchemar des autres. Ce peut être rendre sa famille malheureuse et se rendre malheureuse au bout du compte.

En fait, on oublie que tout rêve qui se réalise est rattrapé par la réalité : par la banalité du quotidien, par la routine, par les hauts et les bas…

Il n’y a que le rêve qui ne se réalise jamais qui reste parfaitement beau ! Mais le rêve que l’on réalise retombe dans les imperfections de la réalité. Ce que tu as vécu avec ton mari, tu peux le revivre mille fois avec mille hommes différents qui te feront rêver, qui te rendront belle par leur regard, jusqu’à ce que la magie s’éteigne dans tes yeux ou dans les leurs.

Myriam – Alors si je comprends bien, tu es en train de me dire d’arrêter de rêver et d’accepter mon malheur ?

Moi – Pas du tout !

Tout d’abord, dans la vie, il ne suffit pas de « réaliser ses rêves ». Il faut réaliser les bons rêves, ceux qui apportent plus de joie, de bien et de justice autour de soi. Mais on ne doit pas réaliser les mauvais rêves, ceux qui, sous une apparence très positive, vont détruire des liens et des vies. Tous les rêvent ne méritent pas d’être réalisés !

Ensuite, je ne dis pas de ne pas rêver. Je te dis va au bout de ton rêve ! Tu l’as rêvée cette vie, avec cet homme que tu as choisi pour mari ! C’est ton rêve qui s’est réalisé. Va au bout !

Un rêve qui devient réalité passe et repasses régulièrement par les quatre saisons de la vie. Avant que ton rêve ne se réalise, t’as eu le sentiment de vivre l’hiver de la vie : rappelles toi quand tout allait mal, quand tu galérais à trouver un homme bien. Ta vie présente et future ne te faisait pas rêver. Tu te souviens ? Mais parce que t’as cru à ton rêve, parce que t’as fait des sacrifices, t’as pu le réaliser. Alors t’as goûté au printemps de la vie. Ce n’était pas encore la vie rêvée mais tu goûtais déjà à l’espoir. Ce qui était impossible est devenu faisable.

A force d’effort, de rencontres heureuses et d’action divine, t’as goûté à l’été : t’as trouvé un homme bien. T’as pas arrêté de d’en dire du bien autour de toi. Vous vous êtes engagés. T’étais pleinement heureuse. D’ailleurs, on te voyait plus tellement t’étais occupée à être heureuse J

Les années sont passées. Les saisons de la vie continuent leur cycle. Après l’été où t’étais au sommet de ton rêve et de ton bonheur, l’automne reprend sa place. T’avais gouté à la magie, t’es en train de goûter à la grisaille et à la banalité.

Tu crois quoi ? On est tous pareil ! On traverse les années de saison en saison, en espérant que l’hiver ne sera pas trop dur.

Aujourd’hui, tu traverses un hiver parmi d’autres que t’as déjà vécus et tu vivras encore et encore, avec ton mari ou avec un autre. Il faut être fou pour croire que l’été, c’est toute la vie !

Les saisons de la vie apportent une part d’épreuve, de souffrance mais aussi des chances de se renouveler, de rendre les choses meilleures. Cette part négative de la vie est une loi humaine : où qu’on aille, qu’on soit riche ou modeste, jeune ou vieux, homme ou femme…, on y passe tous.

Mais tu crois quoi ?

Ces épreuves sont des moments où chacun apparaît dans sa vérité, dans ce qu’il est, au-delà des masques. Ce sont des moments de vérité où chacun met à l’épreuve sa fidélité ou son infidélité à Dieu, en faisant le Bien plutôt qu’en se laissant bercer par l’illusion du « ça me fait du bien ».

T’es une femme : tu sais la différence entre le Bien et le « ça me fait du bien ». Dieu nous rappelle cette sagesse :

« Il se peut que vous détestiez une chose alors que c’est un bien pour vous. Et il se peut que vous aimiez une chose alors que c’est un mal pour vous. C’est Dieu qui sait, alors que vous ne savez pas »[1].

Permets-moi de te le dire, en tant qu’amie qui te veut du bien. T’es pas dans un état où tu peux faire confiance à tes sentiments. T’es pas dans ton état normal. Ton jugement est perturbé.

Toutes les raisons de divorcer ne sont pas bonnes. Si tu m’avais dit qu’il te trompait, qu’il te violentait, qu’il n’était jamais présent…, ok !

Mais là non ! T’as un super mari, toi-même tu le reconnais ! Des hommes aussi fidèles, engagés, et attentionnés, ça ne court pas les rues ! Tu l’as trouvé et t’as réalisé ton rêve avec lui. Va au bout ! Donne-toi de tout ton cœur à ton mari et à tes enfants et Dieu va faire renaître l’amour entre vous !

Dieu n’abandonne pas une personne qui fait le Bien, qui patiente dignement dans les hivers de la vie :

« Et sois patient. Car Dieu ne laisse pas perdre la récompense des gens bienfaisants »[2].

Laisse tomber ton collègue ! Si ça avait été un homme bien, il n’aurait pas cultivé cette relation bizarre avec une femme mariée ! Il aurait gardé la distance même s’il était intéressé !

Et Sabrina-là qui crie sur tous les toits qu’elle est heureuse depuis qu’elle a quitté son mari, attends de voir le deuxième effet « kiss cool », quand elle va commencer à souffrir de sa solitude. Mais pour l’instant, elle est comme dopée, elle est déchaînée. Elle ne voit pas l’hiver venir. Et elle veut t’embarquer dans son délire !

Tu sais, moi-même j’ai déjà vécu ce que tu vis. J’ai failli divorcer. Du jour au lendemain, je ne ressentais plus rien pour mon mari. C’est comme si je vivais avec un étranger. Les ptits soucis de la vie quotidienne deviennent une montagne, la routine devient un enfer. J’ai craqué. Je voyais tout mon monde qui allait s’effondrer. Al-hamdulillah, j’ai pas suivi mes sentiments du moment. J’ai fait le contraire. J’ai fait ce que je croyais juste. Récemment encore, ça m’a repris. Nos enfants ont choppé une maladie. J’en voulais à mort à mon mari. Je le rendais coupable de leur maladie. Jusqu’au jour où j’ai ouvert les yeux : ce mari que je ne portais plus dans mon cœur est redevenu un grand homme lorsque j’ai vu tout ce qu’il a encaissé pour m’aider à me relever de ma dépression et pour soigner nos enfants. J’ai vu à quel point il était solide. Mes yeux brillent de nouveau quand je le vois tous les jours. Je sais que c’est un bonhomme. Je l’ai choisi et j’ai eu raison. Nos épreuves et nos douleurs ont failli nous détruire. Mais al-hamdulillah, elles nous ont rendues plus humains. Elles ont rendu notre amour plus sincère, plus profond, plus pur. On s’aime même dans le silence, même si on ne le communique pas : on s’est dit combien on s’aimait en tenant le coup face aux grandes épreuves qu’on a traversées ensemble.

Comme t’es mon amie et que je t’aime, fallait que je te le dise : laisse passer cette saison difficile jusqu’au retour du soleil. Accepte-le pour Dieu et Dieu remettra le bel amour entre vous !

Myriam – Marie, je ne sais pas quoi te dire. En discutant et en t’écoutant, mon cœur a fondu. J’étais bloquée et je me sens libérée. C’est vrai ! Il y avait comme un ver de terre qui a pourri mon cœur et mon raisonnement. Mais c’est trop vrai ce que tu m’as dit ! Je remercie Dieu d’avoir une amie comme toi !

Moi – Voilà comment s’est terminée ma discussion avec Myriam ! C’est un peu intime mais je suis sûr que toi aussi, toi et toi qui lis, t’es passé par là. Je sais que toi là-bas, t’es en plein de dedans. Ce que j’ai dit à Myriam, c’est aussi pour toi !

[1] Coran 2 : 216

[2] Coran 11 : 115.

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