En famille à Paris

Introduction

Cet ouvrage met en évidence deux points cruciaux de la société moderne : l’omniprésence de l’urbain dans la vie des individus d’une part, à travers l’exemple de la métropole parisienne, et la place de la famille moderne au sein de cette dernière. Les auteurs ont réalisé une enquête dans laquelle ils interrogent des familles, essentiellement issues des classes moyennes ou supérieures, sur leur mode de vie à Paris. En résultent ainsi, de nombreux constats sur les particularités du couple et de la famille, marquées par une temporalité dominée par le travail, les transports et les enfants. Ainsi qu’un rapport nouveau au quartier vu comme un « village urbain ». Le lien entre la ville parisienne : jeunes/ville, célibataire/ville….

La ville de la vocation professionnelle

Paris est la ville de l’ascension sociale et du travail en France, et ce en concentrant les emplois — notamment ceux qui sont hautement qualifiés. Elle répond à un besoin de réussite professionnelle voulue et assumée au sein des couples. Haute fonction publique ou grandes entreprises privées, celles-ci permettent d’avoir un salaire confortable, ainsi qu’une perspective d’évolution de carrière qui est limitée en province. Ainsi les couples ont tendance à privilégier leur travail pour assumer une vie coûteuse à Paris, en s’installant dans les quartiers les plus aisés : attirés par la vie des petits commerces, mais aussi du dynamisme culturel du quartier. Paris offre aussi une garantie d’emploi et une diminution du risque de chômage. Cependant, cela se fait au détriment du couple et de la famille : journées de travail longues, transports long eux aussi et fatiguants, temps consacré au foyer limité. Cette incidence sur la vie de famille pousse les couples à trouver un confort personnel en dehors des responsabilités familiales. Les couples les plus attachés à la tranquillité familiale se projettent au bout de dix ans en province dans une maison. Les autres, trop attachés au dynamisme et aux perspectives professionnelles, s’ancrent dans leur quartier jusqu’à la majorité de leurs enfants (et même après).

L’école : une place au centre de la famille parisienne

Les couples misent ainsi sur le capital scolaire comme fruit des efforts fournis professionnellement, en voulant offrir à leurs enfants le meilleur parcours scolaire. La place de l’école prend donc une place fondamentale dans le foyer : choisir le collège le plus performant pour certains parents devient nécessaire, en insistant sur la pression et la concurrence comme facteur de réussite. A l’inverse, d’autres parents préfèrent valoriser la psychologie, le bien être de l’enfant, mais jamais en oubliant les performances éducatives. Paris, par la variété de ses formations post-bac, est aussi une agglomération idéale pour permettre aux enfants de trouver une voie adaptée à leurs vœux tout en leur garantissant une sécurité professionnelle confortable.

Le quartier et au-delà

Le rapport à l’espace se divise en deux. La ville par son immensité permet l’anonymat, offrant aux individus une certaine liberté à travers des lieux célèbres de la capitale par exemple (en couple ou individuellement). Mais, en même temps, les parents ne peuvent échapper à leur environnement familial : le quartier devient le lieu des connaissances, de la proximité, et du voisinage.

Lors d’un week-end, un couple peut par exemple confier leurs enfants à une garde-nourrice, pour aller manger à Montmartre, visiter le musée du Louvre, ou se promener sur les Champs-Élysées dans la masse de la foule. Paris permet de sortir de la famille, de souffler, le temps d’une soirée ou d’un week end.

A l’inverse, la vie de famille se cristallise dans le quartier : on connaît le boulanger ou l’épicier du coin, les enfants font du sport dans le club de judo, on s’entraide entre voisins… Dans le quartier, la famille est visible, les enfants et les parents sont rattachés les uns aux autres face aux sociabilités locales.

Entre famille, temps personnel et temps conjugal

Le temps des familles est aujourd’hui très morcelé en fonction de l’importance des activités extra-familiales. Ainsi la famille moderne est prise par le « temps », c’est-à-dire par le travail — essentiellement en ce qui concerne Paris. Les longues journées parisiennes épuisent la famille et les parents retrouvent leurs enfants autour d’autres tâches et tard le soir : devoirs, repas, affaires du quotidien. Le temps consacré pour la famille en tant que telle se réduit considérablement en semaine. Ainsi, ce temps s’ouvre le week-end : matinées de repos, petit déjeuner en douceur, activités sans grand intérêt pour certaines familles dites « cools ». La préparation d’activités en dehors de Paris démotivent les parents, car ces dernières demande une organisation chronophage. A l’inverse, d’autres familles préfèrent « investir » le week-end, en multipliant les activités familiales, ce qui créé cependant une charge de fatigue. Cette division du temps fragmente aussi la famille. Les enfants se retrouvent dans des activités dans leur foyer (téléphone portable) le temps que les parents rentrent du travail. Ces derniers sortent aussi leurs enfants en fonction de l’activité réalisée (nature). La réunion familiale est complexe à Paris.

Le temps personnel est aussi inégalitaire puisque sur le plan de l’emploi les hommes sont favorisés dans leur choix de carrière, à l’inverse des femmes davantage concernées par les enfants (maternité) et par les discriminations à l’embauche. A Paris, le chômage touche beaucoup plus les femmes que les hommes. Dans leur temps libre, les femmes se relancent dans des études, ou des cours particuliers, profitant de l’offre parisienne — lorsqu’elles ne se concentrent pas sur l’éducation de leurs enfants. Les individus qui travaillent ont tendance à profiter de leurs pauses : souvent entre midi et deux pour visiter des musées, ou s’accorder une détente autour d’un café entre collègues par exemple. A Paris, ce sont les petits moments libres en articulation avec le travail qui permettent d’avoir un temps personnel.

Dans le temps conjugal, la problématique se tourne non seulement vers le temps personnel mais aussi par rapport à la vie en dehors des enfants. En semaine, il est difficile pour le couple de trouver du temps. Quelques moments s’ouvrent : lorsque les enfants vont se coucher, lors des pauses si les conjoints n’habitent pas loin l’un de l’autre et surtout le week-end. Faire garder les enfants devient un enjeu majeur, puisque cela offre un moment de paix et de partage au couple, mais en réduisant le rôle de parents. Paris nous met face à ce défi essentiel, celui d’être parents sans oublier d’être un couple. La garde d’enfants est coûteuse et le secteur de la petite enfance est aussi très sollicité. Ainsi, les couples aisés auront ce temps conjugal plus facilement que les autres. Les auteurs rappellent tout de même que le rôle de parent est épanouissant dans le sens où sa « lourdeur » permet d’y trouver un certain plaisir (repas familiaux au restaurant).

Les adolescents à Paris

Les adolescents sont heureux à Paris car tout y est pour être bien : les lieux dédiés à la jeunesse sont très nombreux (cinémas, cafés, commerces, stades…). L’adolescent peut trouver ce qui lui plaît facilement et ressent une sensation de liberté accentuée par l’omniprésence des transports en commun. Cette liberté est cependant mise à l’épreuve par une insécurité plus ou moins forte : la position des adolescents face à celle-ci est très variée. Éviter les lieux dangereux, avoir son téléphone portable, se faire raccompagner la nuit… Cette insécurité s’accroît lorsqu’il s’agit des filles. Par rapport à la famille, le processus d’individualisation se renforce chez les adolescents en raison de cette grande liberté. Les week-ends en famille de façon traditionnel se réduisent, au profit d’après-midi (soirées) entre lycéens. Paris détache en quelque sorte l’adolescent des activités familiales à cause d’activités concurrentes à l’extérieur du foyer.

Conclusion

Cet ouvrage a le mérite de mettre en évidence l’impact considérable de l’environnement social, et particulièrement urbain sur le couple, la famille et l’individu. Au final, la famille parisienne se retrouve fortement éprouvée par ce mode de vie moderne. Que dire du couple qui l’est encore plus ? Paris offre beaucoup d’opportunités professionnelles, culturelles, estudiantines mais renforce l’individualisation. Pris séparément, c’est l’adolescent qui semble le plus profiter des avantages de Paris au sein de la famille. Le rattachement au quartier renforce l’idée que la famille a besoin d’un cadre plus ou moins intime (cadre fait de valeurs, repères, symboles) en récréant un village urbain alors que l’anonymat profite plus au couple.

*Ce texte est une synthèse du livre de François de Singly et de Christophe Giraud, réalisée par Hajar et Mehdi Benchabane-Hajji – deux lecteurs bien sympathiques de Delamour.fr, et qui nous l’ont offerte pour publication. Merci à vous !

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